Encore une biographie de l’illustre Normand, mais qui, débarrassée des interprétations des auteurs des XIIe/XIIIe siècles, ne s’appuie que sur des sources sûres, notamment des chartes et des manuscrits longtemps méconnus, éclairées par la psychologie et l’anthropologie. Ceci autorise l’historien à affiner ou modifier la date de certains événements comme celle du mariage ducal. On apprend aussi que la bâtardise du nouveau petit duc de huit ans n’est pas un obstacle mais l’a endurci. Celui qui est devenu le grand chef de guerre craint a un physique de colosse. Loin de « civiliser » l’Angleterre, il est respectueux des traditions des territoires qu’il gouverne, continuant par exemple à faire célébrer outre-Manche, après 1066, le roi anglo-saxon saint Edmond. Guillaume associe Mathilde à son gouvernement transmanche et lui est, exception à l’époque, fidèle. Cependant, le roi-duc peut gouverner avec dureté et cruauté s’il l’estime nécessaire. Ainsi, en 1070, le nord de l’Angleterre, où il écrase des révoltes, voit sa population déplacée voire décimée, ses champs détruits, son cheptel massacré. En revanche, David Bates montre le même Guillaume sincèrement chrétien, attaché à l’Église, fondateur d’abbayes à Caen.
Peut-on aujourd’hui porter des jugements de valeur sur les actions de Guillaume ? -David Bates tente de comprendre Le Conquérant dans le cadre de l’éthique du xie siècle et ce n’est pas le moindre mérite de son bel ouvrage, paru en anglais en 2016.